Mariage juif à Mogador

La ketouba enluminée de Mogador, Maroc

Asher Knafo       David Bensoussan
Essaouira-Mogador cité d'arts et lettres.
Essaouira, jeune métropole méridionale et maritime, la benjamine de ses ainées septentrionales (Fès, Meknès, Tétouan, Rabat, Salé) et fille cadette du Sous et de la cité-mère Marrakech, bourdonnante de ses activités multiples et diverses, a participé, en dépit de sa récente histoire, au grand destin du judaïsme marocain et de l'Empire chérifien par le rôle éminent qu'elle a joué dans l'ouverture du pays tout entier au monde extérieur, à ses influences économiques et culturelles, par ses tujjar as-Sultan les négociants du roi " qui n'étaient pas que des marchands exportateurs et importateurs de denrées, des produits de la terre et de l'artisanat, car ils appartenaient à ce type d'homme sage, le lettré homme-d'affaires (le lettré-artisan aussi fait partie de cette catégorie) qui poursuit la double quête de la science et de la fortune.

Le lettré-écrivain d'Essaouira, celui qu'ont connu les deux derniers siècles, présente le même profil intellectuel et le même destin spirituel que celui de ses homologues plus anciens ou contemporains de Fès, Meknès, Tétouan ou Marrakech dont il a été souvent le disciple, l'émule, voire le maître en certaines matières et disciplines comme la création poétique d'expression hébraïque ou dialectale et la pratique de la musique andalouse, classique et populaire.

Je veux évoquer ici quelques figures illustres que j'ai connues moi-même, dans mon enfance et dont j'ai conservé un émouvant et merveilleux souvenir. Ce sont celles de mes maîtres de Talmud et de Midrash, Rabbi David Attar et Rabbi Pinhas Abisror; celles de Rabbi Abraham Bensoussan et Rabbi David Knafo; Celles de mes grands-parents, Rabbi Meïr Zafrani et Rabbi Abraham Ben David ve-Yossef, talmudistes et kabbalistes dont je fus aussi le disciple; celles des grands chantres et poètes, Rabbi David Elkaïm et Rabbi David Iflah.

Ces deux chantres-là, ainsi que bien d'autres, ont su conserver, enrichir, transmettre et enseigner le piyyut et le chant, un patrimoine musical vieux d'un millénaire, mais toujours présent dans la mémoire et le coeur judéo-maghrébins.

Si Rabbi David Iflah, le shikh David " Le Doyen " de la communauté, a été le grand maître de la musique andalouse, le spécialiste reconnu et respecté de ses congénères juifs et musulmans, Rabbi David Elkaïm était aussi artisan et artiste menuisier de son état, graveur, dessinateur et peintre. Les nombreux manuscrits, épitaphes et ketubbot (son oeuvre poétique réunie dans son diwan intitulé Shirei Dodim - "Chants des amours") sont des chefs-d'oeuvres par leur admirable calligraphie et les enluminures dont il les a souvent illustrés.

La collection de ketubbot, remarquablement présentée dans ce recueil, appporte sa juste contribution à la connaissance d'un monde aujourd'hui disparu en même temps qu'elle participe de l'éveil d'une conscience à la recherche de sa mémoire et de son identité. L'entreprise est digne d'éloges. Je souhaite qu'elle soit suivie d'autres comparables qui mettraient au jour la richesse et la diversité des visages, du patrimoine culturel du judaïsme maghrébin en général, et de celui de Mogador-Essaouira, en particulier.

Haïm Zafrani
Paris le 24 janvier 2002

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